UN LANGAGE UNIVERSEL

La danse dite jazz est fondamentalement exutoire (danse fonctionnelle), autant que divertissement (danse artistique). Elle est née en quelque sorte de danses d’origines européennes « réaménagées » par les Noirs dépossédés de leurs coutumes et qui n’avaient d’autre ressource que d’observer et imiter à leur manière celles des Blancs.
Cette notion de manière est déterminante de sa reconnaissance:
La valeur de l’athlète réside dans ce qu’il donne, celle du danseur dans la manière dont il donne. Paul Bellugue (professeur de l’Académie des Beaux-Arts de Paris)
N’importe quelle musique peut être interprétée en jazz du moment que l’on sait comment s’y prendre. Jelly Roll Morton (jazzman légendaire)

La manière lui permet d’évoluer au fil des modes et des pulsions de la société en témoignant de la contemporanéité tout en empruntant au passé. Sans nostalgie, mais dans un esprit de perpétuation d’une identité qui ne doit pas être galvaudée au risque que l’hybridité n’évolue en bâtardise. Métissage et fusion sont des facteurs de créativité qui doivent enrichir, non dénaturer. Ce ne sont pas les modes auxquelles on se connecte pour être « à la mode » qui font la danse jazz, c’est le style!

Produit de la fusion du naturel (danses mimétiques) et du sophistiqué (danses guindées), et par conséquent prédisposée à conjuguer d’apparentes contradictions: animalité et rigueur, spontanéité et réflexion, improvisation et organisation, profane et sacré…), elle n’a cessé de se complexifier encore à la faveur des rencontres de multiples spécificités artistiques. Si l’influence de la danse classique a favorisé l’adoption d’exigences techniques qui sont devenues prépondérantes et ont suscité l’appellation modern jazz,  l’adaptation aux rythmes syncopés, les contrastes dynamiques, l’ancrage dans le sol, la mobilité vertébrale, les isolations et dissociations, les percussions corporelles sont des caractéristiques de l’héritage africain qui restent indissociables de son essence.

Sur scène, elle est le plus souvent une danse généreuse dédiée au plaisir du public. Dût-elle être étiquetée commerciale. Convivialité, exultation, sensualité, humour, dérision, voire désinvolture sont des signes qui s’inscrivent dans le registre des émotions et du ressenti et qui participent également de sa reconnaissance. Après avoir été la « partie visible » de la musique jazz (née de la danse…), elle s’en écarta dans les années 40/50 avec la venue du bop, créant dès lors son environnement propre jusqu’à s’affirmer un langage universel au service de toutes les musiques. 

Parce qu’elle célèbre sans affectation des cultes nécessaires à l’homme fait de chair et de sentiments, parce qu’elle renvoie à des formes musicales et gestuelles d’origines populaires, parce qu’elle est symbole de liberté, la danse modern jazz a considérablement contribué à éveiller l’intérêt du public pour l’ensemble du monde de la danse. Son rôle dans le succès planétaire de la comédie musicale, en particulier, n’est plus à démontrer.

Le danseur jazz professionnel doit savoir d’où il vient !  Il doit être un artiste capable d’interpréter avec la même aisance les accents jubilatoires d’un gospel, la mélodie envoûtante d’un blues, la cadence subtile du swing, l’exubérance du rock ou du disco, la sensualité de la bossa-nova, les pulsations suggestives de la musique électronique. Somme toute, au-delà de tout repère technique, de toute référence à une école ou à une personnalité, to be or not to be jazz is the question !